fbpx

Le transfert intergénérationnel (enfin) admissible (ou presque) à la déduction pour gains en capital pour les actions

Molson Infolettres

Le transfert intergénérationnel (enfin) admissible (ou presque) à la…

Il existe au Canada, une mesure fiscale favorisant les petites entreprises qui permet à leurs actionnaires de réduire l’imposition des gains en capital sur leurs actions. Pour 2023, la déduction pour gains en capital peut atteindre un montant de 971 190 $ par actionnaire qui est un particulier. Il y a toutefois des conditions pour en bénéficier. L’une d’entre-elles limite fortement la possibilité d’en bénéficier lorsque les actions sont vendues à une société qui est contrôlée par une ou plusieurs personnes liées à l’actionnaire qui les vend.

Le présent article présente les règles de transfert intergénérationnel d’entreprise applicables du 29 juin 2021 au 31 décembre 2023, puisqu’à compter de cette date, de nouvelles règles sont proposées par le Budget fédéral 2023-2024.

Par Me Julie Hélène Tremblay, avocate et fiscaliste, M. Fisc., TEP, Réseau Fisconseils inc.

Les autorités fiscales appellent cette règle « la règle d’intégrité ». Cette règle d’intégrité est basée sur l’hypothèse que dans un transfert d’entreprise entre personnes liées, les personnes en cause pourraient tenter de retirer les surplus d’une société et d’éviter de payer l’impôt sur les dividendes. La règle d’intégrité a donc pour effet de court-circuiter l’application des règles de gain en capital et de substituer les règles de dividendes pour le montant de la plus-value sur les actions.

Depuis juin 2021, toutefois il y a une bonne nouvelle en apparence ! La règle d’intégrité est assouplie de manière à permettre de transférer une entreprise familiale à la génération suivante, de manière fiscalement optimisée, tout en bénéficiant de la déduction pour gains en capital. En revanche, pour y parvenir, il faut faire des concessions qui ne sont pas nécessairement dans l’intérêt de l’entreprise familiale et de ses actionnaires.

Cette modification à la règle d’intégrité de la déduction pour gains en capital aux fins de la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada a vu le jour par suite d’un coup de théâtre impensable sans un gouvernement minoritaire. Il a fallu que le régime parlementaire canadien voie un projet de loi présenté par un député élu, membre d’un parti d’opposition, traverser les étapes législatives jusqu’à sa sanction le 29 juin 2021. Un consensus où même des députés du parti au pouvoir ont voté pour ce projet de loi : le chapitre 21 des lois du Canada de 2021 intitulé Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (transfert d’une petite entreprise ou d’une société agricole ou de pêche familiale). Cette Loi prévoit « d’exclure de l’application de la règle d’anti-évitement prévue à l’article 84.1 de cette loi la transmission, dans certaines conditions, de ces actions par un contribuable à son enfant ou petit-enfant âgé de dix-huit ans ou plus ».

Rappelons qu’aux fins de l’impôt du Québec et uniquement pour les fins de l’impôt du Québec, la règle d’intégrité a été assouplie dès 2016 [1]. Nous y revenons ci-dessous.

Le contexte de mise en place de la mesure

Larry Maguire, un député membre du parti conservateur du Canada, élu dans une circonscription très agricole du Manitoba, a tout d’abord présenté un projet de Loi. Puis ce projet de Loi a survécu à des élections où un gouvernement libéral minoritaire a été élu. Larry Maguire a vu son projet de loi rétabli de la session précédente le 23 septembre 2020. Entre le 3 février 2021 et le 22 juin 2021 [2], le projet de loi a passé la deuxième et la troisième lectures à la Chambre des communes, les deux lectures au Sénat, en plus d’un examen par le Comité permanent des Finances, puis le Comité sénatorial de l’agriculture et des forêts pour aboutir à son adoption en troisième lecture par le Sénat, le tout sans amendement. Le 29 juin 2021, le projet de loi a reçu la sanction royale et est entré en vigueur. Durant tout ce processus, le ministère des Finances du Canada aurait pu intervenir et il ne l’a pas fait.

Donc dix mois après la présentation du projet de loi et une journée après la sanction royale, la vice-première ministre et ministre du Revenu Chrystia Freeland réagit par une bafouille, un communiqué de trois alinéas qui laisse pantois [3]. Le 30 juin 2021, la ministre des Finances du Canada émet un communiqué nébuleux intitulé : « Le gouvernement du Canada donne des détails sur les prochaines étapes du projet de loi émanant d’un député C-208 ». Le gouvernement affiche une intention de ne pas reconnaitre l’entrée en vigueur de la Loi sanctionnée la veille et de présenter un projet de loi applicable au 1er janvier 2022. Des interprétations contradictoires pouvaient être retenues de ce communiqué.

L’opposition n’apprécie alors pas cette pirouette, alors que la réaction aurait pu arriver plus tôt. Le 16 juillet 2021 Larry Maguire publie un tweet à l’effet que les libéraux refusent de mettre en œuvre son projet de loi privé C-208 [4].

Le 19 juillet 2021, un revirement de situation s’opère, Chrystia Freeland annonce une clarification de la position du gouvernement [5], le premier communiqué des Finances est remplacé par une reconnaissance formelle que le « projet de loi C‑208 a été adopté par le Parlement, qu’il a reçu la sanction royale et qu’il fait désormais partie intégrante de la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada. Les modifications apportées au projet de loi ont maintenant force de loi ». En revanche, la ministre des Finances adresse son intention de « présenter des modifications à la Loi de l’impôt sur le revenu qui respectent l’esprit du projet de loi C‑208 et qui protègent contre les échappatoires fiscales imprévues que le projet de loi C‑208 aurait rendues possibles ». Ainsi, la ministre prévoit que les « modifications à venir visent à s’assurer qu’il facilite les véritables transferts intergénérationnels et qu’il n’est pas utilisé à des fins de planification fiscale artificielle ». Il est précisé que la date d’entrée en vigueur prévue pour ces nouvelles règles à venir est le 1er novembre 2021. Une porte de sortie reste toutefois ouverte en ce qu’il est possible que les nouvelles règles soient publiées plus tard et qu’à ce moment, la date de publication sera la date d’entrée en vigueur.

Du côté du régime fiscal québécois, le 12 août 2021, le ministre des Finances du Québec a annoncé que ses règles d’intégrité, qui sont plus restrictives que celles en vigueur aux fins de l’impôt fédéral, continueront de s’appliquer sans modification, malgré les nouvelles règles fédérales [6].

Le 1er novembre 2021, la mesure fédérale annoncée n’est pas venue, ni en 2022.

Par ailleurs, le 28 mars 2023, le Budget fédéral 2023-2024 prévoit que de toutes nouvelles mesures seront applicables aux opérations effectuées à compter du 1er janvier 2024. Les règles que nous présentons sont donc applicables du 29 juin 2021 au 31 décembre 2023.

Il est donc maintenant possible de transférer des actions admissibles de petite entreprise à une personne qui est son enfant ou petit-enfant et de bénéficier de la déduction pour gains en capital dans le calcul de son revenu aux fins de l’impôt fédéral des particuliers à certaines conditions fédérales. Pour le Québec, la même possibilité est présente, du moment que les exigences plus restrictives sont satisfaites [9].

La déduction pour gains en capital de 800 000$ indexée

La fiscalité canadienne favorise depuis 1985 pour les bien agricoles et depuis 1988 pour les actions admissibles de petite entreprise, la mise à l’abri de l’impôt de la plus-value accumulée d’entreprises canadiennes. Cette mise à l’abri est plafonnée, à vie, pour un particulier, à concurrence d’un certain montant. Cette exonération fiscale prend la forme d’une déduction pour gains en capital sur le gain réalisé lors de certaines ventes d’actions admissibles et de biens agricoles.

Il est prévu en 1985, qu’un montant maximal de 500 000$ peut être appliqué en déduction pour le gain en capital sur les biens agricoles. Puis dès 1988, pour les actions admissibles de petites entreprises canadiennes. Les règles n’ont sensiblement pas changé depuis 1994, sauf en ce qui concerne le taux d’inclusion du gain en capital et le montant maximal de la déduction. En 2015, ce plafond est haussé à 800 000$, puis indexé en fonction de l’indice des prix à la consommation déterminé par la Loi. Ainsi en 2023, ce plafond est de 971 190$, ce qui porte sa valeur maximale pour un contribuable à 258 846$, selon notre calcul de l’exonération pour gain en capital. Le montant de la déduction dépassera sensiblement le million de dollars en 2024.

Cette mesure est présentée lors de sa mise en place comme « une importante initiative afin d’encourager la prise de risques et l’investissement dans les petites […] entreprises » […] « et d’aider les agriculteurs ».

Dès 1985, un certain nombre d’autres règles interviennent pour dégager des deniers publics au financement de cette mesure et surtout « des modifications aux règles anti-échappatoires » contrebalancent cette mesure afin de prévenir l’utilisation de la déduction pour gains en capital afin de convertir « un revenu de dividendes en gains en capital ».

Les règles d’intégrité transformant un gain en capital « familial » en dividende imposable

Ces règles d’intégrité sont dès le départ tellement larges qu’elles empêchent techniquement les transferts d’entreprise intergénérationnels au sein d’une même famille. Pour l’essentiel, il est donc prévu que le gain en capital réalisé lors de la vente d’actions admissibles de petite entreprise à une société par actions contrôlée par une personne liée est réputé être un dividende imposable.

Lorsque les actions sont vendues directement et personnellement à un particulier lié, cette règle ne s’applique pas. Ainsi, les actions doivent être acquises personnellement par la personne liée et cette personne doit les payer avec son capital ou ses revenus après impôts, pas avec des dividendes inter-sociétés non imposés au niveau personnel.

Cette règle fait donc en sorte que le vendeur qui dispose de ses actions en faveur d’une société contrôlée par une personne liée voit non seulement son gain en capital inadmissible à la déduction pour gains en capital, mais qu’en plus, le produit de disposition, moins le coût en capital des actions, est réputé être un dividende. Le gain réalisé est non seulement imposable, mais en plus, il doit être inclus à 100% dans le revenu imposable plutôt que 50%. L’impôt peut toutefois être réduit du montant d’un crédit pour dividende, tout comme si la contrepartie reçue pour les actions était une distribution de profits par la société dont les actions sont transigées (d’où l’expression « dépouillement de surplus »).

Au niveau de l’impôt du Québec, des règles de transfert intergénérationnel sont en place relativement à l’aliénation d’actions effectuée après le 17 mars 2016. Ces règles sont toutefois restées inefficaces jusqu’en juin 2021, en l’absence de pendant fédéral et sont très restrictives quant aux conditions imposées pour en bénéficier.

Rappel des règles de déduction du gain en capital sur les actions et biens admissibles

D’une manière générale, pour se qualifier à la déduction pour gains en capital, il faut que les actions respectent en gros trois critères :

  1. Le critère de détention de 24 mois ;
  2. Le critère quant aux actifs utilisés dans l’entreprise au moment de la vente (ce qui exclut les liquidités excédentaires et les biens utilisés par des particuliers ou des entreprises non liées) ; et
  3. Le critère quant aux actifs utilisés dans l’entreprise au cours des 24 mois qui précèdent la vente.

Ces critères visent d’une manière générale à ce que la vente des actions ne soit pas une opération spéculative et que les actions reflètent la valeur d’une petite entreprise canadienne et non de biens et avoirs autres.

Les conditions d’application des mesures d’allègement intergénérationnelles qui assouplissent la règle d’intégrité

Lorsque la mesure d’allégement intergénérationnelle fédérale est applicable, même si le gain en capital réalisé sur des actions admissibles est déductible du gain en capital aux fins de l’impôt fédéral, cela ne l’est pas automatiquement aux fins de l’impôt du Québec. Ce transfert doit également se qualifier en vertu des règles plus restrictives québécoises pour avoir une déduction pleinement efficace. Si cela n’est pas le cas, l’impôt fédéral est calculé en tenant compte que ce gain est un gain en capital imposable à 50% (et déductible du revenu imposable) et l’impôt du Québec sur le 100% du gain, en présumant qu’il s’agit d’un dividende à inclure au revenu.

Dans un premier temps, nous allons analyser les exigences pour bénéficier de l’allègement de la règle d’intégrité fédérale et dans un deuxième temps, nous allons analyser les exigences pour bénéficier de l’allègement de la même règle aux fins de son pendant québécois, avant d’en faire la synthèse.

La mesure fédérale d’allègement intergénérationnelle

La nouvelle règle de transfert intergénérationnel fédérale est, pour le moment, d’application relativement simple. Cette mesure fiscale n’a toutefois pas été rédigée par une équipe de légistes expérimentés.

Pour que des actions admissibles de petite entreprise ou des actions d’une société agricole ou de pêche familiale soient admissibles en présence de personnes liées, elles doivent répondre aux critères ci-après décrit :

  1. Un particulier qui dispose d’actions admissibles d’une société qui exploite une petite entreprise (ci-après « société familiale ») ;
  2. Une société qui acquiert (ci-après « société-acquéreur ») ces actions et qui est contrôlée par un ou plusieurs enfants ou petits-enfants de ce particulier contribuable qui dispose de ses actions ;
  3. Ces enfants et petits-enfants qui contrôlent cette société-acquéreur qui doivent être âgés de dix-huit ans ou plus ;
  4. Cette société-acquéreur pour les actions admissibles ne doit pas en « disposer » durant une période de soixante mois (cinq ans) ;
  5. La société familiale dont les actions font l’objet d’une disposition (et des autres sociétés qui lui sont associées) doit avoir un « capital imposable » de moins de 15 millions de dollars [10] ;
  6. Un rapport d’évaluation indépendant de la juste valeur marchande des actions admissibles ;
  7. Un affidavit signé par le contribuable qui dispose des actions pour attester que les actions font réellement l’objet d’une disposition.

Les deux premières conditions reprennent l’ensemble des règles d’admissibilité à la déduction pour gains en capital relativement à des actions et y excluent indirectement une fiducie. En effet, une fiducie ne peut avoir d’enfant ou de petit-enfant. Il doit donc s’agir d’un particulier. Si des actions sont détenues, il reste qu’une fiducie peut attribuer des actions à un de ses bénéficiaires avant que ce contribuable ne dispose de ses actions.

Le non-respect de la quatrième condition quant à la détention de soixante mois peut avoir pour conséquence de faire en sorte que finalement, au cours d’une année d’imposition subséquente, les actions vendues ne se qualifient finalement pas à la déduction pour gains en capital. Cette disqualification est rétroactive. Dans cette situation, le parent ou grand-parent qui a disposé des actions est alors réputé avoir disposé de ses actions en faveur de l’acquéreur des actions vendues durant cette période. Il semble toutefois que si les actions revendues sont acquises par une personne qui permet de qualifier à nouveau le gain en capital à la déduction pour la société-acquéreur en vertu des mêmes règles, le transfert des actions remplace en quelque sorte la transaction antérieure.

La mesure d’allègement intergénérationnelle québécoise

Lorsque applicable, la mesure québécoise d’allégement applicables aux transferts intergénérationnels fait en sorte, d’une manière générale, que le gain en capital réputé être un dividende aux fins des règles plus générales, soit de nouveau réputé être un gain en capital.

Afin de bénéficier de la mesure d’allégement, il faut que les « actions admissibles » d’un particulier soient aliénées dans le cadre d’un « transfert d’entreprise admissible du particulier ». Le renvoi à ces deux concepts fait en sorte de relier toutes les conditions.

Le concept d’« actions admissibles » est un renvoi aux conditions générales pour bénéficier de la déduction pour gains en capital, relativement à la disposition d’actions du capital-actions d’une société agricole ou de pêche familiale ou à une action admissible d’une société qui exploite une petite entreprise.

Le concept de « transfert d’entreprise admissible d’un particulier » est défini afin de désigner une série d’opérations qui comprend l’aliénation d’« actions admissibles du particulier » dans les circonstances qui font en sorte que normalement la règle d’intégrité (requalification du gain en dividende) soit applicable, lorsque les « conditions prévues » par ailleurs sont remplies à l’égard de cette série d’opérations.

Le concept de « conditions prévues » est donc un renvoi, d’une manière générale, à des conditions qui ont trait au désengagement matériel, décisionnel, exécutif et financier de l’actionnaire vendeur de la société dont les actions sont vendues et des autres sociétés qui sont contrôlées par cette première société. Il s’agit en général des conditions suivantes :

1. Critère de la prise de part active dans l’entreprise avant la vente : Sous réserve des règles d’application, le particulier (ou son conjoint) qui dispose de ses actions doit avoir, alors que le particulier était propriétaire de ces actions et au cours de la période de 24 mois qui a précédé immédiatement l’aliénation des actions, pris une part active dans une entreprise exploitée par la société dont les actions font l’objet de la vente. Cette règle exclut donc les investisseurs qui détiennent des actions sans vraiment participer aux activités de l’entreprise.

2. Critère du retrait des affaires de l’entreprise après la vente :  Après l’aliénation des actions, le particulier (et son conjoint) doit cesser de prendre une part active dans une entreprise admissible qui est exploitée par la société après la vente de ses actions. Cette mise à pied forcée permet toutefois trois exceptions :

  • a. Pour une période de transition d’une durée limitée afin d’opérer un transfert de connaissances et la rémunération est limitée pour une année au maximum des gains admissibles aux fins de la Loi sur le régime de rentes du Québec ;
  • b. Pour une autre entreprise dont la presque totalité des revenus provient, d’une manière très générale, d’activités différentes de celles de la société dont les actions sont vendues ;
  • c. L’acquéreur des actions se retrouve dans l’impossibilité de prendre une part active dans cette entreprise en raison d’une maladie, d’une invalidité ou de son décès si la maladie, l’invalidité ou le décès débute ou survient après l’aliénation des actions de la société acquise.

3. Critère relatif au contrôle : À partir d’un certain moment, le particulier ou son conjoint ne doivent plus contrôler la société dont les actions sont vendues. Il existe deux exceptions, applicables lorsque le particulier ou son conjoint contrôlent :

  • a. Une autre société liée à la société dont les actions sont vendues qui exploite une autre entreprise dont la presque totalité des revenus provient, d’une manière très générale, d’activités différentes de celles de la société vendue ;
  • b. Une société qui n’exploite pas une « entreprise admissible » (par exemple une société de gestion).

4. Critère relatif à la propriété d’actions ordinaires : À partir d’un certain moment, le particulier et son conjoint ne détiennent pas, directement ou indirectement, des actions ordinaires (votantes et participantes) du capital-actions de la société dont les actions sont vendues. Il existe deux exceptions, qui sont les mêmes que pour le troisième critère.

5. Critère relatif à la participation financière résiduelle : D’une manière générale, la participation financière résiduelle dans l’entreprise du particulier dans l’actionnariat ou le financement doit satisfaire aux conditions suivantes :

    • a. La participation financière en actions du vendeur et de son conjoint est inférieure à un pourcentage de la juste valeur marchande de la société dont les actions sont transigées. Ce pourcentage dépend du type d’« actions admissibles » :
      • i. Pour les actions d’une société agricole ou de pêche familiale, 80% ; et
      • ii. Pour les actions admissibles de petite entreprise, 60%.
    • b. Les modalités de remboursement ou de rachat des participations financières résiduelles autorisées prévoient qu’au plus tard 10 ans après l’aliénation des actions, cet ensemble n’excédera pas un pourcentage de la juste valeur marchande qui dépend du type d’« actions admissibles » :
    • c. Lorsque la participation financière résiduelle de la personne qui a vendu ses actions comprend des actions de la société vendue, il faut à la fois que :
      • i. le rachat des actions ne puisse être exigé par la personne avant l’expiration d’une période de 10 ans, sauf si ce rachat vise à réduire la participation de la manière prévue par ailleurs ;
      • ii. les actions donnent droit à un dividende cumulatif à un taux n’excédant pas un taux raisonnable selon le marché et que le taux de ce dividende ne soit pas basé sur la rentabilité d’une société ;
      • ii. les actions soient rachetables en tout temps au gré de la société visée ;
      • iv. les actions ne puissent pas être converties : soit en d’autres actions qui ne respectent pas les conditions prévues par ailleurs (en c)(i), (ii) ou (iii)) relativement aux actions, soit en une ou plusieurs dettes qui respectent les conditions énoncées ci-après (en d)(i), (ii) ou (iii)) relativement aux dettes.
    • d. Lorsque la participation financière résiduelle de la personne qui a vendu ses actions comprend une dette d’une société dont les actions sont vendues, les conditions suivantes doivent être satisfaites :
      • i. le remboursement de la dette ne peut être exigé par la personne avant l’expiration d’une période de 10 ans, sauf si ce remboursement vise à respecter une exigence prévue par ailleurs ;
      • ii. la dette donne droit à un rendement raisonnable selon le marché et le taux de rendement de la dette n’est pas basé sur la rentabilité d’une société ;
      • iii. la dette est remboursable en tout temps, avec les intérêts courus, au gré de la société dont les actions sont vendues ;
      • iv. la dette ne peut être convertie qu’en une ou plusieurs actions qui respectent les conditions précédemment énoncées.

6. Critère relatif à un actionnaire de l’acquéreur : D’une manière générale, au cours de la période qui commence immédiatement après l’aliénation des actions et qui se termine à la fin de cette série d’opérations, au moins une personne, autre que le particulier, qui détient, directement ou indirectement, des actions de l’acquéreur, ou le conjoint de cette personne, doit prendre une part active dans une entreprise exploitée par la société dont les actions sont transférées. Les exceptions à cette règle ont trait à l’impossibilité de prendre une telle part active en raison d’une maladie, d’une invalidité ou de son décès. Dans tous les cas la maladie, l’invalidité et le décès doivent débuter ou survenir après l’acquisition des actions de la société.

Même si toutes leurs modalités ne sont pas exposées dans le présent texte, toutes ces conditions sont difficiles à concilier avec le besoin d’intégrer la relève d’une entreprise de manière graduelle. Toutefois, il demeure qu’un entrepreneur d’une entreprise qui a une juste valeur marchande significative qui désire prendre sa retraite doit obtenir des fonds en échange de son entreprise pour financer son train de vie après sa retraite.

Synthèse des conditions pour bénéficier de la mesure d’allégement actuelle pour transfert intergénérationnel actuelle

En résumé, voici donc la liste des conditions à satisfaire pour bénéficier de la mesure d’allègement et bénéficier de la déduction pour gains en capital :

      1. La vente doit être faite par un particulier qui dispose d’actions admissibles d’une société qui exploite une petite entreprise (ci-après « société familiale ») ;
      2. Ces actions de « société familiale » doivent être soit des actions admissibles de petite entreprise ou des actions d’une société agricole ou de pêche familiale ;
      3. Le contribuable doit détenir ou être réputé détenir ces actions admissibles depuis un minimum de 24 mois au moment de la disposition ;
      4. Le critère quant aux actifs non utilisés dans l’entreprise au moment de la vente doit être satisfait ;
      5. Le critère quant aux actifs non utilisés dans l’entreprise au cours des 24 mois qui précèdent la vente doit être satisfait ;
      6. La société qui acquiert (ci-après « société-acquéreur ») ces actions est contrôlée par un ou plusieurs enfants ou petits-enfants de ce particulier contribuable qui dispose de ses actions ;
      7. Ces enfants et petits-enfants qui contrôlent cette société-acquéreur sont âgés de dix-huit ans ou plus ;
      8. Cette société-acquéreur pour les actions admissibles ne doit pas en « disposer » durant une période de soixante mois (cinq ans) ;
      9. La société familiale dont les actions font l’objet d’une disposition (et des autres sociétés qui lui sont associées) doit avoir un « capital imposable » de moins de 15 millions de dollars [11] ;
      10. Le critère de la prise de part active dans l’entreprise avant la vente doit être satisfait ;
      11. Le critère du retrait des affaires de l’entreprise après la vente doit être satisfait ;
      12. Le critère relatif au contrôle doit être satisfait ;
      13. Le critère relatif à la propriété d’actions ordinaires après la vente doit être satisfait ;
      14. Le critère relatif à la participation financière résiduelle après la vente doit être satisfait ;
      15. Le critère relatif à un actionnaire de l’acquéreur après la vente doit être satisfait ;
      16. Un rapport d’évaluation indépendant doit établir la juste valeur marchande des actions admissibles ;
      17. Un affidavit doit être signé par le contribuable qui dispose des actions et attester que les actions font réellement l’objet d’une disposition.

Cette liste de 17 conditions n’est pas exhaustive de toutes les modalités. Ces modalités sont nombreuses et complexes et même un expert peut s’y égarer.

Conclusion

Le transfert intergénérationnel d’une entreprise n’est souvent pas une simple question d’argent et d’impôt. Il s’agit d’abord et avant tout de s’occuper d’une substance économique, de gens et d’emplois. Le lien d’attachement entre des individus qui se rassemblent en famille pour créer une entreprise peut avoir en boni, la contrepartie de la transmettre à leurs enfants pour qu’ils la mènent plus loin.

L’entrepreneur doit toutefois garder à l’esprit que ses enfants, bien que porteurs de leur dévouement, n’ont pas tous le talent, l’envie et le pouvoir de mener l’entreprise plus loin. Beaucoup de transferts intergénérationnels peuvent au contraire mener une entreprise à sa fermeture. L’expérience nous démontre tellement de situations où le transfert aux enfants nécessite une aide extérieure, parfois invisible pour les parties prenantes, afin d’alimenter le processus de transfert.

Pour ce qui est des mesures fiscales, de la déduction pour gains en capital et surtout des règles exposées quant aux mesures d’allègement, toutes ces règles, qu’elles soient définitives ou non, partent d’ajustements à des règles complexes.

Les règles d’intégrité ont été bâties sur le principe que lorsque des membres d’une même famille peuvent transiger entre-eux sans contraintes, il est probable que les surplus seront extraits de l’entreprise de la manière la plus avantageuse possible pour la famille. Elles prévoient donc, dans un enchevêtrement complexe, des contraintes et entraves au transfert en franchise d’impôt et au transfert intergénérationnel qui permettrait de retarder l’imposition d’une plus-value durant plusieurs générations.

Ensuite, ces mesures d’allégement, par l’exclusion des fiducies, tentent de limiter la multiplication de la déduction pour gains en capital et de la limiter aux actionnaires-dirigeants et leurs conjoints. Ceci fait en sorte, que malgré ces mesures d’allégement pour le transfert intergénérationnel, la vente à une personne liée d’actions d’une société pourrait rester beaucoup moins intéressante financièrement que la vente à des tiers non liés. Les exigences quant au financement limitent également les transferts possibles.

Il reste des incertitudes quant aux modalités exactes que ces textes législatifs en cause recevront des tribunaux. Par exemple, quant à la possibilité pour une fiducie d’attribuer des actions admissibles à un particulier moins de deux ans avant les transactions ou quant au concept de série d’opérations spécifique aux règles québécoises.

Il reste également possible que les règles fédérales soient modifiées d’une manière complètement différente des règles québécoises et que la liste des exigences s’allonge. En revanche, il reste improbable que des règles contradictoires soient proposées pour les fins de la loi fédérale et que la loi québécoise ne soit pas ajustée en conséquence.

Devant cette complexité, il faut également concéder que des entrepreneurs pourront opter pour des planifications fiscales qui leur permettent de réaliser un gain en capital ou tout simplement de geler leur valeur en faveur d’une société de gestion et de voir leur plus-value accumulée au cours des années se transformer en un flot de dividendes annuels tranquilles.

Pour toutes vos questions, Réseau Fisconseils inc., par ses spécialistes peuvent vous aider à analyser votre transfert intergénérationnel potentiel, tout comme vous aider à identifier une relève apte à se porter acquéreur de votre entreprise.

[*] Me Julie Hélène Tremblay du Réseau Fisconseils est membre de The Society of Trust and Estate Practitioners (STEP), qui est l’organisation internationale regroupant les professionnels des fiducies et successions. À ce titre, elle est autorisée à porter le titre de TEP (Trust and Estate Practitionner) et reconnue pour ses compétences dans ce domaine. Le Réseau Fisconseils inc. est une étude juridique offrant une vaste gamme de services fiscaux et juridiques.

L’information transmise dans ce texte ne constitue pas un avis juridique. Le présent texte est à titre informatif seulement. Notez qu’il s’agit de règles fiscales complexes et qu’il est nécessaire qu’un expert révise chaque situation. Bien que ce texte soit préparé avec soin, aucun des professionnels impliqués dans la rédaction de cet article n’accepte quelque responsabilité que ce soit découlant de cet article.

Photo de Pascal Bernardon sur Unsplash.

[1] Articles 517.5.3 à 517.5.11 de la Loi sur les impôts du Québec.

[2] Larry Maguire, tweet, « My Private Members Bill-C208 passed Third Reading in the Senate! No longer will parents have to be given a false choice of having to choose between a larger retirement package by selling to a stranger or a massive tax bill because they sold to a family member. LM. », https://twitter.com/LarryMaguireMP/status/1407478421278572552, consulté de 22 février 2023.

[3] Finances Canada, « Le gouvernement du Canada donne des détails sur les prochaines étapes du projet de loi émanant d’un début C-208 », 30 juin 2021, https://www.canada.ca/fr/ministere-finances/nouvelles/2021/06/le-gouvernement-du-canada-donne-des-details-sur-les-prochaines-etapes-du-projet-de-loi-emanant-depute-c-208.html, consulté le 22 février 2023.

[4] Larry Maguire, tweet, « Liberals are refusing to implement my Private Members Bill, C-208 », citant le tweet du chef du parti conservateur, https://twitter.com/LarryMaguireMP/status/1416173673577422850, 16 juillet 2021, consulté le 22 février 2023.

[5] Finances Canada, « Le gouvernement du Canada clarifie les règles relatives à l’imposition des transferts intergénérationnels d’actions de petites entreprises », 19 juillet 2021, https://www.canada.ca/fr/ministere-finances/nouvelles/2021/07/le-gouvernement-du-canada-clarifie-les-regles-relatives-a-limposition-des-transferts-intergenerationnels-dactions-de-petites-entreprises.html, page consultée le 22 février 2023.

[6] Finances Québec, « Bulletin d’information 2021-6, Modification des règles applicables à la désignation d’un gain en capital réputé dans le cadre d’un transfert d’entreprise admissible à la suite de la sanction du projet de loi C-208 », 12 août 2021, http://www.finances.gouv.qc.ca/documents/Bulletins/fr/BULFR_2021-6-f-b.pdf, page consultée le 22 février 2023.

[7] Finances Canada, Énoncé économique de l’automne 2022, 3 novembre 2022.

[8] Finances Canada, Budget fédéral 2022, 7 avril 2022.

[9] Articles 517.5.3 à 517.5.11 de la Loi sur les impôts.

[10] Une règle de proportionnalité fait en sorte que le montant autrement admissible à la déduction pour gains en capital est réduit lorsque le capital imposable se situe entre 10 et 15 millions de dollars « pour l’année d’imposition » précédant l’année de la disposition.

[11] Une règle de proportionnalité fait en sorte que le montant autrement admissible à la déduction pour gains en capital est réduit lorsque le capital imposable se situe entre 10 et 15 millions de dollars « pour l’année d’imposition » précédant l’année de la disposition.